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Nicolas Pegon :


Pour l'inspiration, il n'y a pas de problème. J'ai constamment des nouvelles idées de dessin, je trouve des intérêts graphiques dans beaucoup de choses que je vois et j'ai toujours envie de dessiner. J'ai donc toujours un appareil photo avec moi pour capturer objets, gens, paysages,matière etc.

Maintenant la complexité est dans la sélection. Je sais bien que je ne peux pas faire tout ce que j'ai envie de faire, faute de temps… Il y a donc un gros travail de sélection et de composition.

N.S : Justement, comment assembles-tu les éléments “hétéroclites” dans tes compositions ?
Y insères-tu une narration secrète, à l'intérieur… Peut-être par émotions, inductions _
intéractivités analogiques, par exemple.


N.P : J'essaye de ne pas trop réfléchir à la narration dans mon travail, pour ne pas imposer un axe de lecture trop directe. Quand je compose je fonctionne plutôt à l'instinct, par envies.
Je fais se confronter les éléments entre eux. La narration , c'est au spectateur de la créer…
Oui, c'est l'émotion qui prime ! La suggestion, les interprétations sont libres au spectateur.

 

N.S : Il y a aussi également un aspect cru, direct dans le choix de tes sujets, dans l'élaboration de l'espace du dessin. Mais aussi un raffinement _ une complexité exaltante…

Nicolas Savignat :
 

Bonjour Nicolas Pegon ! Résidant à Marseille, tu es un artiste manifestement prolifique, à l’univers personnel puissant. Ton exposition débute dans les prochains jours. Elle se déroulera du 30 avril au 30 juin à la Galerie d’art, à Lyon.
Parle nous de ta démarche actuelle. Comment travailles-tu ? Est-tu quotidiennement inspiré, dans ta pratique du dessin _ Quelle est l’origine de toutes tes idées…

Murmure donne de la voix à Nicolas Savignat

entretien avec Nicolas Pegon - avril 2016

 


N.P : Oui mon dessin est cru dans le choix de mes sujets mais aussi dans le traitement, qui reste sans artifice… L’utilisation du noir et blanc joue aussi. Le raffinement se retrouve dans les compositions et la mise en scène, je pense "dans le traitement très réaliste".


N.S : Un rendu figuratif, mimétique et illusionniste, d’une précision chirurgicale…


N.P : C'est ça, quand je dessine de la viande, je veux que ça ressemble à de la viande.

N.S : N’y a-t-il pas, là-dedans, comme une forme de rébellion ? De défiance contre un ordre, un système, une autorité _ quel qu’il soit _ sinon simplement une inclinaison, un intérêt porté à la marge, à l'insolite, à un anticonformisme en particulier... Mais tout choix, intention n’est pourtant jamais innocent. Aimes-tu
provoquer ? Comme univers inhérent à ta personne...

à ton tempérament passionné. Iconoclaste.


N.P : Je pense que tout travail artistique qui se respecte, est là pour se rebeller contre un ordre quel qu'il soit, et ce de façon directe et narrative ou non.

 

N.S : Oui, cela s'appelle résister…

 

 

N.S : Comme une sorte de littéralité avec le réel, la puissance de la matière _ la beauté du vivant !


N.P : Quand je dessine un modèle, je ne cherche pas à la mettre en valeur. Je la dessine de façon cru avec ses cicatrices, ses défauts de peau… La cellulite, le poil.


N.S : En une fusion, un collage de visions ?


N.P : L'idée c'est de tout mettre au même niveau. Tous les éléments ont la même importance, sont appréhendés également…


N.S : Oui je vois, belle idée qu’une non hiérarchie des valeurs… C'est peut-être pour cette raison, que tu amplifies, tu atrophies volontairement les proportions, les échelles de mesure.
Pour rester aux aguets, en prise avec un réel mouvant et émouvant !

N.P : Et dans mon travail, bien que pas toujours réfléchi, chacun de mes choix traduit une idée inconsciente.

 

N.S : Bien, je vais maintenant aborder ta biographie. Quel est ton parcours, tes études, ton rapport à l'art, aux multiples médiums, en tant qu'amateur comme en tant que praticien? Des apports, des références à nous transmettre…


N.P : Pour le parcours : aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours aimé dessiner donc c'est tout naturellement que je suis entré aux Beaux-arts de Lyon, après mon Bac. Pendant cette période, j'ai eu mon déclic artistique à la rétrospective de Jean-Michel Basquiat, au musée Maillol en 2003.

De retour sur Lyon, j'ai commencé la peinture de manière autodidacte. Une peinture très lâchée, colorée sur de grands formats…Bien sûr, avec une forte influence Basquiat. En 2007, diplômé des Beaux-arts, je trouve un taf de graphiste. Après quelques tentatives d'expositions, j'abandonne la peinture pour me consacrer à la marque de t-shirt "JONYTOY", créée avec des potes. Mais voilà, 6 ans plus tard je m'ennuie à mourir : une marque de t-shirt qui ne décolle pas, un boulot de graphiste de merde pour un site internet de merde avec une équipe et un patron de merde dans une ambiance de merde.

C'est là que je décide de tout lâcher, je démissionne et je déménage dans le sud pour suivre ma copine... Après plusieurs déménagements, dans des appartements de plus en plus petits, le dessin c'est imposé à moi.

 

N.S : Je ne sais pas si la référence à Basquiat est toujours actuelle pour toi. Mais je reconnais dans tes motifs : un goût de la métaphore, celle de l'allégorie totémique _ un certain exotisme tribal ; si je peux m'exprimer ainsi…

 

N.P : La référence à Basquiat est toujours en vigueur, mais j'ai considérablement élargi mon cercle de références. Oui, je suis d'accord le totem, le masque…

 

N.S : Je constate qu'il y a beaucoup de références picturales dans tes oeuvres, dans une filiation subtile. Voire un penchant à une érudition... Une affection à l'image dans son ensemble, ses détails, dans sa discipline historique, son plaisir intellectuel _ iconique ! Ou comment intégrer l'héritage classique, l'art populaire, contemporain, officiel et alternatif.

 

N.P : Oui, j'aime piocher un peu partout et tout mélanger sur un même pied d'égalité. J'essaye de créer un langage universel dans un sens. J’ai d'abord travaillé sur petit format, au feutre puis au stylo bille. J'ai découvert que les dessins au stylo bille avaient une résistance au soleil très faible. C’est à ce moment que je me suis lancé dans la technique du fusain, et depuis c'est le grand amour !

N.P : Oui, pour donner de la valeur à ce qu’on n'est pas sensé voir et inversement.


N.S : … Le regard minoritaire, en réflexion, en modestie.


N.P : De toute façon, j'aime bien bosser les matières bâtardes comme le papier aluminium, le papier mâché, le chewing-gum, le fil de fer…
Confronter une boule à neige et une tombe de Moyen Âge trouvée au musée des Beaux-arts.


N.S : La curiosité, l'émerveillement en filigrane…


N.P : Ou sacraliser des objets, des matières inhabituelles. Il y a de l'émerveillement dans la difficulté à dessiner certaines choses, surtout agrandies au-delà de leur taille naturelle. On découvre plein, de petits détails insoupçonnables.

 

N.S : Voilà, je te remercie, que l'inspiration demeure intacte ! Si tu veux ajouter autre chose : coup de gueule du moment, citation intempestive, auteurs / artistes appréciés... Ou ce que tu souhaites ?


N.P : Deux, trois artistes actuels, avec un travail que j'aime particulièrement : Samuel Trenquier - Corentin Grossmann - Ludovic Boulard Le Fur - Nazanin Pouyandeh - Myriam Mechita.


N.S : Pas de citation, un proverbe, une sentence... Voire une référence de livre, de revue, de théorie artistique. Fanzine, bd etc ?


N.P : Sinon, je te propose de découvrir Vincent Pianina. C'est pour les gosses. Et les éditions Arbitraire

L’exposition de Nicolas Pegon dure du 30 avril au 30 juin, à la Galerie d’art à Lyon. Vernissage le 30 avril.

La Galerie, Valérie Eymeric, 33 rue Auguste Comte 69002 LYON.

 

 

 

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